Clip c'est dans l'air : référence ?
Petit retour sur le clip de C'est dans l'air avec les squelettes qui dansent ...
Merci à Eiger pour la référence suivante, qui est plus que pertinente à mon sens ^^ :
Deux jeunes filles, ou la belle Rosine (1847) par Antoine Wiertz (1806-1865)
Portrait : Mylène Farmer - C’est dans l’Air
par Eymeric, le 06.05.09 (http://www.discordance.fr/)
Mylène Farmer nous annonçait une rupture esthétique pour son dernier album Point de Suture. C’est chose faite avec le clip de C’est dans l’Air, qui prolonge The Farmer Project d’une nouvelle expérience visuelle tout en reprenant les thèmes chers à l’artiste.
“Vanité, c’est laid” prononce la rousse provocatrice avec ironie alors qu’elle confond sa danse à celle des squelettes. On pense immédiatement à ces “vanités”, tableaux représentant des crânes surmontés d’une bougie, renvoyant notre beauté à la figure de la mort, que nous revêtirons tous.
Le parallèle est plus poussé si nous pensons à La belle Rosine d’Antoine Wiertz, tableau représentant deux jeunes filles : l’une en chair, l’autre en os, se scrutant avec un regard mêlant l’interrogation et le sourire. L’érotisme de l’une se mêle à la mort de l’autre, dans une même position. Dans le clip de C’est dans l’Air, Mylène Farmer revêt à la fois l’image de la beauté et celle de la mort, confondant son visage par des fondus enchaînés à celui d’un squelette. L’apothéose est atteinte à la fin du clip, lorsque sa chevelure légère et bouffante se confond aux volutes d’un champignon nucléaire. Mylène Farmer, beauté atomique ?
Il nous faut ici reprendre le fil de la chanson, qui se mêle à celui du clip et qui pose l’Homme face à la fatalité de la mort. Tout comme le célèbre “Vanité des vanités, tout est vanité” de la Bible. C’est dans l’Air pose la vie terrestre comme vide et inutile.
Mais là où la maxime présente les plaisirs terrestres comme dérisoires et donne une alternative à la vacuité en la vie céleste, C’est dans l’Air pose le contraire : puisque la vie est vide et “qu’ici loin sont les cieux”, c’est un champ libre donné au plaisir et à la création. Le clip exalte donc la beauté et les plaisirs face à la mort, tout en sachant que l’un et l’autre se télescoperont tôt ou tard, et que tout ce que l’Homme a bâti de sa vie sera soufflé par l’air de la mort. Qu’importe ! “Et moi je chante / Moi je m’invente / Une vie”, déclame l’artiste. Cette perspective de la mort est prise avec ironie et le clip réalise une danse macabre du XXIe siècle. Squelettes animés à l’appui, la vidéo reprend ce thème médiéval en y distillant son côté ironique, fatal et rythmé - l’image de la mort devenant une musique qui se scande et se danse, emportant ironiquement ses victimes.
Si au Moyen-Âge ces œuvres picturales étaient guidées par la peur de la peste noire, on peut dire, peut-être naïvement, que le clip de C’est dans l’air est entrainé par la peur du nucléaire.
À la fois effrayantes et subjugantes, les images de C’est dans l’air cultivent une esthétique initiée par l’Art Romantique, qui confond les frontières du beau et du laid. Mylène Farmer incarnant avec provocation à la fois la beauté et la mort, le clip mêle donc des images très morbides (quoi de plus morbide et effrayant que la vie soufflée par une explosion nucléaire ?) à une mise en scène soignée, qui épouse le rythme de la chanson en scindant les images avec une esthétique très graphique.
Il faut ici revenir à la carrière passée de l’artiste, qui a souvent choquée en exprimant la “beauté qui se trouve dans la violence et l’horreur” comme elle le confie à Amélie Nothomb lors de leur rencontre en 1995 pour le magazine Vogue. L’esthétique générale se veut donc tout à la fois cassante et visuellement envoûtante.
Où se trouve donc la rupture, puisque Mylène Farmer revient à son imaginaire morbide ? Elle réside dans la forme : si auparavant ses clips transfiguraient le morbide dans un univers coupé du nôtre (historiquement ou visuellement), il est montré aujourd’hui dans un monde qui en revêt les attributs. Ceci en reprenant des thématiques et des éléments d’actualité : le nucléaire, les ambiances underground.
On a affaire à des clips qui abordent plus frontalement la réalité bien qu’ils gardent un côté intemporel : les images contemporaines servent le sens et non l’inverse.
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A cela je rajoute une chose : les animations du clip et le thème du nucléaire restent cohérents de la part d'Alain Escalle (oublié dans cet article) puisque "le monde flottant" présenté en première partie des concerts de 2006 traitait d'Hiroshima et des conséquences du nucléaire déjà ....;)